9 Appréhender le climat futur sur la France

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9.1 Quelles projections climatiques sur la France ?

9.1.1 D’où viennent-elles ?

Ces projections sont le fruit de la collaboration de la communauté française de recherche sur le climat, et notamment Météo-France, l’Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL) et le Centre Européen de Recherche et de Formation Avancée en Calcul Scientifique (CERFACS). Elles s’appuient sur les travaux de la communauté de recherche européenne – notamment les travaux de modélisation du climat européen EURO-CORDEX – et internationale, notamment les travaux de modélisation du climat planétaire effectués dans le cadre des projets d’intercomparaison des modèles couplés Océan-Atmosphère (Coupled Model Intercomparison Project, CMIP) dont les résultats alimentent les rapports d’évaluation du GIEC.

Ces projections sont multiples et offrent un ensemble de climats futurs, et cela pour deux raisons bien distinctes :

  1. Le climat futur sur la France dépend premièrement des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) qui seront produites dans les prochaines années et décennies. Ces choix de société future mondiale sont caractérisés par des scénarios d’émission de gaz à effet de serre ou des scénarios de forçage radiatif. Pour plus de détail, vous pouvez consulter la page dédiée sur le site DRIAS.

  2. Il dépend ensuite de la façon dont ces concentrations en gaz à effet de serre se traduisent en termes de climat, et cette traduction est effectuée par plusieurs modèles climatiques globaux suivis de plusieurs modèles climatiques régionaux. Ceux-ci fournissent ainsi un ensemble de traductions différentes et complémentaires permettant d’appréhender l’éventail des possibilités de traduction des changements de concentration en GES en changement du climat. Vous pouvez là-aussi consulter la page dédiée sur le site DRIAS.

Projections climatiques du projet AP3C

Le projet Adaptations des pratiques culturales au changement climatique AP3C a produit des projections climatiques à très haute résolution sur le Massif Central. Plusieurs points méritent d’être précisés sur ces projections :

  1. Elles sont fondées sur des méthodes qui n’ont pas fait l’objet d’une validation scientifique par les pairs, au contraire de tous les travaux utilisés pour établir les projections climatiques nationales proposées sur le portail national de services climatiques DRIAS. Les projections proposées sur le site DRIAS s’appuient en effet sur la production de la communauté de recherche internationale, européenne et nationale pour s’assurer de leur validité scientifique.

  2. Les projections climatiques proposées par le projet AP3C sont basées sur une hypothèse de prolongement linéaire dans le futur de tendances observées sur les dernières décennies. Cette approche a été invalidée par le GIEC dans son 5e rapport d’évaluation, et plus précisément dans le chapitre 12 consacré aux projections climatiques51. La Foire aux questions 12.1 (p. 1036) de ce chapitre (Why Are So Many Models and Scenarios Used to Project Climate Change?) précise explicitement cela :

Climate models are built on the basis of the physical principles governing our climate system, and empirical understanding, and represent the complex, interacting processes needed to simulate climate and climate change, both past and future. Analogues from past observations, or extrapolations from recent trends, are inadequate strategies for producing projections, because the future will not necessarily be a simple continuation of what we have seen thus far.

Les modèles climatiques sont construits sur la base des principes physiques qui régissent notre système climatique et des connaissances empiriques, et représentent les processus complexes et interactifs nécessaires pour simuler le climat et les changements climatiques, passés et futurs. Les analogies avec les observations passées ou les extrapolations des tendances récentes sont des stratégies inadéquates pour produire des projections, car l’avenir ne sera pas nécessairement une simple continuation de ce que nous avons vu jusqu’à présent.

Collins et al.52
  1. En conséquence, l’agence de l’Eau Loire-Bretagne a rédigé une note précisant qu’elle :
  • Reconnait l’intérêt pédagogique de la démarche AP3C, dans une approche terrain, pour sensibiliser les agriculteurs au changement climatique et les amener à réfléchir à l’adaptation des systèmes agricoles, et des pratiques culturales ;
  • Ne valide pas l’utilisation de la méthode de projection dite « climatique » utilisée par AP3C pour le volet Climat des études HMUC. En effet, le projet AP3C s’appuie sur une projection statistique de tendances météorologiques observées localement et non pas sur une projection climatique suivant les préconisations et méthodes du GIEC.

9.1.2 La correction de biais

Le jeu de données Explore2 est un jeu de données corrigé. Cette appellation recouvre une étape de post-traitement des projections climatiques de façon à ce que le climat de ces projections sur une période récente – entendu comme toutes les statistiques de la météorologie de cette période, notamment les moyennes mais aussi les extrêmes – corresponde au climat réellement observé localement sur la période 1976-2005. Cela ne veut en aucun cas dire que la chonologie des événements est corrigée, les modèles climatiques génèrant leur propre temporalité météorologique.

Deux méthodes de correction de biais ont été mises en oeuvre dans le cadre du projet Explore2 :

  • La méthode Adamont53 issue du projet de recherche du même nom. Cette méthode est décrite sur une page dédiée de l’espace Accompagnement du portail DRIAS.

  • La méthode CDFt5455 est décrite sur une page dédiée de l’espace Accompagnement du portail DRIAS.

Il est important de noter que l’application de la méthode Adamont, de manière contre-intuitive, ne permet pas de recaler exactement les moyennes climatiques des projections sur la période 1976-2005 à celles effectivement observées sur cette période. Ceci a été par exemple mis en avant dans le guide Diagnostic Climatique Territorial - Focus << ressource en eau >>56 rédigé dans le cadre du projet DEMOCLIM. Les biais résiduels existants sont à mettre sur le compte de la variabilité natuelle du climat qui fait que même des moyennes sur 30 ans souffrent d’une variabilité due au caractère choatique du système atmosphérique.

9.1.3 Comme y accède-t-on ? - Le portail DRIAS-Climat

Les projections climatiques de référence pour la France sont mises à disposition via le portail national de Services Climatiques DRIAS-Les futurs du climat. Ce portail vers des mondes futurs est constitué de 3 espaces :

  • L’espace Accompagnement est constitué d’un ensemble de notices informatives sur ces projections climatiques. En entrant sur cet espace, il vous revient à l’esprit une conversation avec un dénommé Arthur autour d’une chope de mauvaise cervoise. Il avait ainsi qualifié ce portail d’accompagnement vers des mondes futurs de labyrinthe dont les portes se referment derrière soi. Et il faut avouer qu’il est aisé de perdre sa trace dans la montagne de descriptions et d’informations de cet espace d’accompagnement.

  • L’espace Découverte vous permet quant à lui de visualiser les projections climatiques. Il sera question de cet espace plus en détail dans la suite de ce chapitre.

  • enfin, l’espace Données et produits vous permet de télécharger ces mêmes projections climatiques pour d’éventuelles manipulations ultérieures.

9.1.3.1 Et quelles sont-elles, ces projections ?

Plusieurs jeux de projections sont et seront disponibles via le portail DRIAS les futurs du climat. Seul le jeu de données Explore2 est à ce jour valide et décrit ci-dessous. D’autres jeux de données comme DRIAS-202057 est rendu obsolète car il ne rend pas compte des derniers consensus scientifiques à l’échelle planétaire.58

Les dernières avancées scientifiques montrent en effet que le jeu DRIAS2020 n’est pas un sous-ensemble représentatif de l’ensemble des futurs possibles, ensemble tel que suggéré à moins haute résolution par les modèles climatiques globaux59. Les changements moyens seraient en effet à chercher du côté des projections classées parmi les chaudes et sèches du jeu DRIAS2020. Sans rentrer dans les détails, les raisons sont à chercher du côté des modèles climatiques régionaux qui produisent des signaux de changement atténués par rapport aux modèles climatiques globaux qui les conditionnent60, et cela concerne donc l’ensemble de l’Europe. Le jeu Explore2 tente de limiter ces défauts pour être compatible avec les changements projetés par la dernière génération de modèles climatiques globaux (voir la page dédiée au jeu Explore2).

À présent que vous savez comment sont produites ces projections climatiques, vous décidez de regarder plus avant ce qu’elles peuvent vous raconter.

9.2 Visualiser le climat futur

La première utilisation de projections climatiques passe par une visualisation des changements attendus entre une période de référence et un horizon temporel futur. C’est l’objectif de la partie Découverte du portail DRIAS.

Page d'accueil du volet Découverte du portail DRIAS.

Figure 7.1: Page d’accueil du volet Découverte du portail DRIAS.

À ce jour (26 juin 2024), le jeu de projections climatiques Explore2 n’est pas encore visualisable sur l’espace Accompagnement de DRIAS-Climat. Les paragraphes suivants proposent tout de même une description balisée de l’utilisation de cet espace.

Vous vous avancez prudemment à l’intérieur du portail et vous restez dans un cas classique avec Atmosphère (Thème de la modélisation), Métropole et Précipitations (Famille de paramètres). Plusieurs choix de visualisation s’offrent à vous :

Mode d’exploration

Dans le cadre d’une étude visant à l’adaptation, il est fortement conseillé ici de choisir Multi-modèles / 1 indicateur / 1 scénario. En effet, ce mode de visualisation vous permet de voir l’ensemble des futurs possibles selon chaque modèle. Cela serait différent dans un contexte d’étude d’atténuation où la vision Multi-scenarios / 1 indicateur / 1 modèle permet d’appréhender le différentiel entre un scénario à émissions maîtrisées (du type RCP2.6) et un scénario à émissions non réduites (du type RCP8.5).

Indicateurs

Un large choix d’indicateurs s’offrent à vous. Le plus robuste des indicateurs sera toujours l’écart relatif – en % donc pour les précipitations – entre la période de référence et un horizon temporel futur. Raisonner avec des écarts relatifs permet de s’affranchir des biais inhérents à chaque modèle. Il est important de noter que dans tout l’espace Découverte du portail DRIAS, la période de référence est 1976-2005. La liste complète des indicateurs est donnée sur une page dédiée du volet Accompagnement.

Pas de temps

À vous ici de choisir selon vos problématiques spécifiques.

Horizon temporel

Trois horizons temporel futurs sont visualisables sur le portail DRIAS : 2021-2050 (Horizon proche), 2041-2070 (Horizon moyen), et 2071-2100 (Horizon lointain). Il est important de rappeller que les indicateurs représentés dans le volet Découverte sont de moyennes interannuelles sur l’horizon considéré.

Scénarios d’émissions

L’objectif de l’étude va conditionner fortement la décision de considérer l’un ou l’autre de ces scénarios. Dans un contexte d’adaptation au changement climatique, il est conseillé de considérer des scénarios d’émissions plutôt du côté pessimiste pour construire des mesures d’adaptation sans regret. C’est dans ce sens que va l’établissent d’une trajectoire nationale de référence pour l’adaptation61 en se basant sur un réchauffement global de +3°C par rapport à la période préindustrielle.

Modèles et produits multi-modèles

le message apporté par la visualisation dépend de manière décisive du choix que vous allez faire ici. Trois options sont en effet sur la table :

  1. Considérer des produits multi-modèles. Cette option est celle proposée par défaut à l’heure de l’écriture de ce livre, et offre une série cartes correspondant à des statistiques sur la distribution des changements à partir des valeurs de tous les modèles mélangés. Là encore, par défaut vous sont proposées des cartes correspondant aux centiles 5, 50, et 95 des changements projetés, pour chacun des points du territoire. Plusieurs problèmes sont à apprécier ici :

    • Premièrement, aucune de ces cartes ne correspond à un futur possible. Prenons en cas théorique dans lequel tous les modèles voient la France partagée en deux en termes de signe sur le changement de précipitations, et avec la moitié d’entre eux donnant une augmentation au nord et une diminution au sud, et l’autre moitié donnant le contraire. Le résultat va être une carte médiane sans changement, et une carte de centile à 5% (resp. 95%) donnant des changements de signe négatif (resp. positif) homogène sur l’ensemble du territoire. Et ces cas-là ne correspondent à aucune projection individuelle.

    • Deuxièmement, cette approche présuppose que l’ensemble formé par les modèles climatiques considérés ici est représentatif de l’ensemble des futurs possibles, conditionnellement bien sûr à un scénario d’émissions de gaz à effet de serre donné. et cette hypthèse forte ne repose pas sur des bases scientifiques solides, les modèles climatiques globaux provenant d’un ensemble fini de centres de recherche dans le monde.

  2. Considérer un sous-ensemble de ces modèles. Les considérations précédentes suggèrent ainsi de procéder à une sélection d’un jeu de projections basé sur le recul scientifique qui se construit au fil du temps sur les projections à l’échelle mondiale avec différents exercices de modélisation alimentant les rapports successifs du GIEC (CMIP), mais aussi à l’échelle européenne, avec des exercices comparables utilisant des modèles climatiques régionaux à haute résolution sur l’Europe (EURO-CORDEX). Une telle sous-sélection ne résout pourtant pas le premier problème décrit plus haut.

  3. Considérer les modèles individuellement. Il faut en effet garder à l’esprit que chacune des projections proposées ici est une trajectoire future possible. L’examen de leur diversité permet d’en tirer des enseignements aussi riches que variés, sur la dispersion des signaux, les points communs, les divergences, et les modèles extrêmes. Cet examen peut aussi s’inscrire dans le cadre d’un sous-ensemble tel que décrit au point précédent. La diversité des réponses des modèles à un scénario d’émissions est bien mis en avant sur le portail DRIAS avec une aide à la sélection des modèles qui permet de voir à gros traits les signaux portés par chacun d’eux en température et précipitations à l’échelle de la France. Cette aide permet ainsi de sélectionner par exemple ceux portant un signal sec et très chaud.

Vous avez à présent toutes les cartes en main pour appréhender le climat futur à l’échelle de la France au travers de cartes de changements entre une période référence (1976-2005) et plusieurs horizons futurs. Plusieurs limites appraissent ici :

  • Les cartes ne vous permettent pas d’identifier clairement les changements attendus sur un territoire donné ;

  • Cette visualisation donne une vision statique de changements entre deux périodes. La notion de trajectoire entre le présent et l’horizon considéré – notion centrale dans un contexte d’adaptation au changement climatique – n’apparaît ainsi pas.

  • De même, cette visualisation de changements moyens ne donne pas à voir l’occurence d’extrêmes potentiellement indédits lors des périodes futures.

Votre quête peut le cas échéant s’achever ici. Vous disposez en effet à présent des grandes lignes des futurs possibles sur votre territoire. Mais votre esprit d’aventure peut vous conduire encore plus loin et repousser les limites listées ci-dessus. Pour cela, il vous faudra affronter de nouvelles épreuves, et être prêts à manipuler de grands jeux de données. Si vous vous en sentez le courage, rendez-vous au chapitre Exploiter les projections climatiques sur votre territoire.